conférence donnée par Mr et Mme Gembicki, historiens genevois.
à partir d'éléments du livre qu'iils ont écrit "le réveil des coeurs", Journal de voyage du frère Fries (1761-1762).
Envoyé par son Église pour contacter les « réveillés » parmi les protestants du sud de la France, le frère Fries relate son voyage avec une étonnante franchise et une grande finesse d'analyse qui lui permet tout à la fois d'exprimer ses convictions théologiques et d'établir de remarquables portraits des personnes rencontrées, pasteurs, anciens et simples laïques.
Son voyage le mène de Suisse en Poitou, aller et retour, sur dix-huit mois. Outre Bordeaux avec une excursion en Béarn, ses principales étapes sont d'une part Nîmes et les Cévennes, et de l'autre le terrain d'action du célèbre Jean-Louis Gibert : la Saintonge et l'Angoumois sont en effet les régions où Fries devient acteur parmi les protestants. La raison en est simple : lors de son arrivée à Saint-Fort-sur-Gironde, un des adjoints de Gibert souffrant de malaria, on lui demande de le remplacer pour sa tournée d'église en église. C'est donc dans ces provinces que le frère Fries découvre le quotidien des protestants locaux en devenant un de leurs pasteurs à part entière. De ces régions où le protestantisme s'est réveillé, il s'aventure en Poitou où les protestants sont encore sévèrement persécutés. Il parcourt ainsi tout le « croissant protestant » et décrit, avec une belle acuité, l'état d'esprit des fidèles, assez différent d'une province à l'autre, n'étant pas toujours tendre avec eux face à leur tiédeur religieuse et leurs « erreurs » théologiques !
Les auteurs restituent ce voyage clandestin au sein des deux grands mouvements qui dominent le XVIIIe siècle, celui des Lumières et celui du piétisme. Une partie du Journal est directement concernée par ces débats qui agitent les conversations. C'est très exactement l'époque de la dramatique affaire Calas qui induit la publication retentissante par Voltaire de son Traité sur la Tolérance. Il s'agit bien d'une analyse du protestantisme de l'époque, dans l'Église réformée de France, avec ses multiples facettes teintées de millénarisme, de rationalisme, de piétisme, entre ferveur courageuse et soumission peureuse, entre régions de semi-tolérance et provinces de persécution virulente : ce témoignage d'un contemporain fait la richesse de cette source inédite, pour une période où le protestantisme commence à se réaffirmer
Gembicki Heidi Historienne (Suisse 1946 - ) et Dieter Historien (Allemagne 1941 - )
Originaire de Hambourg, Dieter Gembicki a suivi des études d'histoire à Francfort, parachevées à Genève avec une thèse dans le domaine de l'historiographie française. Spécialiste du XVIIIe siècle, il aborde des sujets tels que Voltaire historien, la terminologie des Lumières et lors d'une année sabbatique passée en Pennsylvanie, il rédige une étude sur les frères moraves. Depuis il publie des recherches sur ce mouvement piétiste qui révèle un aspect extrêmement vivant du siècle des Lumières.
Heidi Gembicki-Achnitch, historienne elle aussi, est issue d'une famille de tradition morave, et a été déléguée au synode européen de l'Unité des frères. Les deux chercheurs ont pu profiter de leurs compétences linguistiques et paléographiques et de leurs réseaux pour mener à bien l'édition d'une source qui, à plusieurs égards, posait des défis.